Galerie Anna-Tschopp s'inscrit dans le bronze : partie II



Nous avons vu dans notre précédente édition que le prix du bronze est un obstacle à la fois pour les artistes qui veulent s’y lancer et pour les amateurs qui souhaitent y accéder. Mais si l’investissement initial est difficilement compressible, le prix de vente, lui, l’est.  Pour y parvenir il faut abandonner le mode habituel de détermination des prix au profit d’une procédure beaucoup mieux adaptée. L’artisanat n’est pas l’industrie. Or la plupart des artistes calcule l’amortissement de leurs coûts de mise en œuvre sur un nombre limité de pièces ; assez souvent dès la première. Ils appliquent ensuite un coefficient multiplicateur pour définir leur marge et leurs galeries ou marchands font de même pour définir la leur. Il s’ensuit une spirale inflationniste que la notoriété absorbe sans problème mais qui provoque un renchérissement rédhibitoire pour qui en est dépourvu. Les artistes en manque de renom sont donc pris entre une mise de fonds initiale qu’ils ne peuvent supporter et un prix de vente au public perçu comme abusif par les acheteurs potentiels. C’est pourquoi Galerie Anna-Tschopp a décidé d’aborder le problème différemment en se substituant à l’artiste pour tout ce qui concerne le financement de l’oeuvre. Cette activité d’édition nous permet de peser sur les prix. Partant du meilleur prix obtenu auprès de la fonderie, et en excluant les frais de constitution du moule que nous conservons à notre charge exclusive, nous déterminons directement la valeur de vente au public au moyen d’un multiplicateur. Ce coefficient intègre la rémunération des acteurs successifs, soit le fondeur, l’artiste, l’éditeur et le revendeur. Nous établissons ce dernier au seuil de rentabilité, c’est-à-dire celui en dessous duquel le fait de perdurer pourrait nous occasionner un questionnement de l’administration fiscale pour soupçon d’activités dissimulées. Dans cette répartition du produit le quota du revendeur est maintenu dans la convention habituelle du marché de manière à ne pas créer de comparaison défavorable avec ce que celui-ci obtient de ses autres  fournisseurs . Pour Galerie Anna-Tschopp l’amortissement des coûts de mise en place se fait par lissage sur l’ensemble des pièces vendues tandis que la rémunération de l’artiste se définit par cumul des montants obtenus sur chacune de ces mêmes pièces. Il prend ainsi le risque de gagner moins sur chaque pièce mais plus sur une totalité d’autant plus facile à atteindre que le prix de chacune d’entre elles est plus faible. Nous nous pensions assez uniques dans notre démarche pour découvrir, dès la porte de la fonderie franchie, que nous étions loin d’être seuls. Une foule très huppée, essentiellement constituée de galeries internationales et d’artistes de renom occupait déjà les lieux. C’est Marc Petit qui nous a recommandé « Fonderie Fusions », un établissement créé en 1992 et devenu depuis l’un des trois plus importants de son secteur en France. Elle emploie aujourd’hui une trentaine de personnes et ne réalise son chiffre d’affaires qu’avec quelques clients triés sur le volet. C’est ainsi que lors de nos visites nous avons pu voir une gigantesque girouette revêtue de feuilles d’or, laquelle provenait de la commande d’une très célèbre galerie et était destinée à la propriété tropezienne d’un milliardaire français dont on nous a tu le nom. Dans un coin trainaient aussi plusieurs fusils d'assaut en fonte d’aluminium appelés à être fichés sur les toiles d’un artiste soutenu par un prestigieux marchand parisien. Il y avait également un cheval de bronze à taille réelle, encore sans affectation mais dont on nous a confié que l’auteur, très apprécié par le roi du Maroc, vendait ses pièces dans les 24h qui suivaient leur mise en ligne sur «Instagram». Nous avons encore pu remarquer, dans un registre plus classique, la cire d’une gargouille de Notre Dame dont les fontes en plomb remplaceront celles parties en fumée lors de l’incendie de 2019. Un peu partout s’amoncelaient en vue d’une exposition prochaine des sortes de cache-pots desquels sortait à mi-corps un lapin rondelet «dans la manière de Robert Kuo». Nous n’avons pas été subjugués, mais il semblerait que les ventes se font à la douzaine et à «pas de prix» ; alors que dire !?. Le marché a toujours raison. Pour être tout à fait honnêtes nous nous trouvions un peu «hors contexte» avec notre commande de quelques milliers d’euros. Mais après examen approfondi de nos originaux par le chef d’atelier et deux patineurs, ils nous ont quand même acceptés en tant que Petit Poucet parmi leurs habituels ogres. Etre adoubés par des professionnels de cette qualité nous a aussi paru être en soi un gage de valeur et nous a tranquillisés sur le bien fondé de nos choix. Parmi ceux-ci, Perrine Le Bars dont nous avons déjà présenté plusieurs plâtres qui procèdent d’un style très facetté, relativement proche d’une sculpture de Picasso réalisée en 1908 et répertoriée aujourd’hui sous le titre de «Tête de Femme» ou «Fernande». Une facture aux angles toutefois beaucoup plus prononcés et avec bien plus de relief que ce que propose en la matière les deux stars françaises du moment que sont Xavier Veilhan et Richard Orlinski. Nous attendons beaucoup de ce passage du plâtre au bronze lequel conférera aux pièces une noblesse qui devrait faire disparaître l’appréhension du public envers un matériau trop pauvre pour être adopté. Nous nous sommes également attachés à une sculpture de Thierry Miramon, artiste marseillais, très prisé localement en son temps et décédé prématurément en 2019. Parallèlement à son travail de peinture celui-ci avait réalisé en 2003 trois sculptures en béton cellulaire dont nous possédons le troisième exemplaire, de loin à nos yeux le plus abouti. Nous avons toujours considéré que cette sculpture méritait d’être produite dans un matériau plus solennel. Nous avons  donc demandé à ses ayants droit, qui nous l’ont accordée, l’autorisation de l’éditer en bronze. C’est aussi pour nous une façon de rendre hommage à un artiste tellement doué qu’il en était souvent trop facile mais dont cependant certaines pièces justifient pleinement un détour. Nous espérons pouvoir présenter les premiers tirages de ces deux artistes en début d’année prochaine.