[Dés]habillage



Le 6 juin dernier nous faisions part ici de notre étonnement à l’annonce faite par le leader mondial des SVV de baisser ses frais d’adjudication. Pour nous ce geste ne correspondait en rien aux pratiques courantes d’une entreprise au chiffre d’affaires annoncé florissant. Il semblerait que nous ayons eu raison de douter de cet altruisme inhabituel. En effet un de nos lecteurs nous a fait part d’un article récent du Wall Street Journal qui dévoile des dessous beaucoup moins nobles à cette libéralité. Ladite SVV ferait de fait face à d’importantes difficultés financières aux causes tant endogènes qu’exogènes. Parmi les raisons externes le journal fait état d’un marché se contractant fortement dans les plus hautes sphères, celles qui approvisionnent en clients ce leader du marché et dont le public pense généralement qu’elles ne sont jamais atteintes par les crises. Le haut du panier donc se rebiffe et trouverait que les commissions sont désormais beaucoup trop fortes. Il ne fallait cependant pas être grand clerc pour envisager que la baisse proclamée des commissions acheteurs se ferait en contrepartie d’une hausse beaucoup plus confidentielle celle-là des frais exigés des vendeurs. Ces derniers se font en conséquence plus discrets et l’approvisionnement du marché s’en trouve perturbé. De plus l’investissement dans l’art ne serait plus dans l’air du temps. Quelques grosses pertes auraient calmé des appétences parmi les plus voraces, surtout dans le  domaine du contemporain. Plusieurs «émergents» très «prometteurs» ont par exemple carrément coulé. La loi de la pesanteur est dure mais c’est la loi. Rien ne monte si haut qu’il ne finisse par retomber. Toutefois les commissaires-priseurs dont l’activité s’exerce généralement sur plusieurs secteurs ne devraient pas trop souffrir de cette tendance.. Les marchés de l’automobile «vintage» et de l’horlogerie de luxe sont en effet prêts à accueillir les déçus de celui de l’art. Mais selon le Wall Street Journal, qui dispose d’informateurs dont nous ne pouvons nous faire valoir, la gouvernance de la SVV objet de son article serait en cause et rendrait subsidiaires ces deux voies de dégagement. Son actionnaire principal, lequel a établi sa fortune sur une montagne de dettes, serait aujourd’hui en grande difficulté et dans l’obligation de se séparer de certains de ses actifs. Le ressenti des investisseurs à l’égard de son groupe pèse évidemment sur la division «vente aux enchères», qui doit faire face non seulement au ralentissement du marché mais aussi à une politique d’augmentation des acquisitions financées à crédit. Cerise sur le gâteau pour boucher les trous les plus criants de son empire mité cet actionnaire principal a besoin de cash et fait donner à plein le robinet des dividendes, ce qui n’améliore évidemment ni la trésorerie de l’entreprise ni la confiance que lui porte ses créanciers. Mais l’homme est habile et il est fort possible qu’il réussisse à se rétablir. C’est ce qui peut être souhaité de mieux à ses employés, ses actionnaires et ses bailleurs de fonds. Toutes ces difficultés nous paraissent cependant être un marqueur d’un changement structurel du marché. La flamboyance apparue dans les années 70/80 s’éteint ; clients et professionnels vont devoir se réinventer.



Etonnement renouvelé



Le 14 mars dernier nous faisions part de notre étonnement quant à l’annonce de la cession par son fondateur de la majorité des parts de sa galerie, internationalement reconnue, à un fonds d’investissement dont la devanture médiatique différait notablement de ses enregistrements officiels légaux. La vente a-t-elle été concrétisée ?, nous n’en savons pas plus bien qu’à l’époque le principal intéressé avait promis d’en informer la presse dans un délai maintenant dépassé. Notre scepticisme en ce qui concerne la motivation accréditée pour cette transaction refait surface à l’annonce par le même intervenant d’un don important fait au Musée Beaubourg. Déjà la nature inhabituelle de ce don interpelle. Le galeriste aurait en effet convaincu «ses» artistes, grâce à la relation de con-fiance qu’il entretiendrait avec eux, de céder chacun une ou plusieurs œuvres. Assisterions-nous là à une nouvelle forme de philanthropie laquelle consisterait à offrir les biens de tiers ? « Charité bien ordonnée commence par elle-même ». Mais l’homme n’est pas isolé dans sa démarche et il semblerait que la composante altruiste des acteurs du marché de l’art ne fasse que s’étoffer ces derniers temps. Artistes, fondations, galeries sont dits se bousculer aux portes du Musée d’Art Moderne de Paris. Reliquats d’un art devenu invendable, ruineux en stockage, certains professionnels penseraient-ils qu’il est temps de refourguer leurs stocks à l’Etat avant que de passer par la case effondrement des prix ? Liquidation avant cessation d’activité ?


Actuellement visibles à la galerie




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