Public choisi



Le FRAC PACA s’exporte dans le cadre de sa «mission» de diffusion hors les murs. Probablement pour compenser la désertification des salles de ses espaces propres il a été choisi de détacher une part de ses réserves sur des sites à clientèle captive. Les militaires et les fonctionnaires de police en poste à Marseille en seront les heureux récipiendaires. Leurs instances dirigeantes semblent en effet emballées par la contemporanéisation annoncée de leurs lieux. «Dans les locaux de l’État il y a souvent des photos de policiers et de gendarmes mobiles descendant en rappel...» déplore l’un d’eux par ailleurs ravi de «bénéficier de la richesse des collections du FRAC». Mais parmi les propositions retenues il y en a une qui a fait naître chez Galerie Anna-Tschopp un certain embarras. Il s’agit d’une exposition photo ayant pour thème l’intérieur des képis de militaires et ce que ces derniers y glissent comme objets personnels. «Notre uniforme nous rend multiple et quelconque, là, c’est de l’intime» souligne un haut gradé. C’est ce choix et l'extase qu’il génère qui nous posent problème car nous les mettons en parallèle des premières lignes de «Bouvard et Pécuchet». Gustave Flaubert y relate la rencontre initiale des deux héros et y annonce l’imbécilité partagée qui traversera tout le roman. En effet les deux protagonistes se sentent immédiatement et irrémédiablement interpellés par le fait d’avoir eu tous les deux cette même idée géniale d’inscrire leur nom à l’intérieur de leur chapeau pour ne pas pâtir d’une substitution de galure entre collègues de bureau. Des militaires flaubertins pourraient ne pas manquer de faire un rapprochement entre art et littérature et il n’est alors pas certain qu’ils aient le même engouement que leur supérieur pour une exposition dont la connotation pourrait être perçue comme insidieuse. Y avait-il une intention facétieuse dans le projet des photographes ? Si oui, ils ont trouvé ici un public de prédilection.



 Back to USSR



Préoccupés, un peu comme tous nous le supposons, par une situation économique difficile nous avons cherché à en savoir un peu plus sur les solutions préconisées par les uns et les autres. Nous avons donc profité d’une invitation du MEDEF pour assister à une réunion où intervenait notre Président de Région. Un homme de la droite du Centre ou du centre de la Droite ; nous devons admettre que nous nous perdons un peu dans les finesses du positionnement politique d’aujourd’hui. Ce Président de Région nous a d’abord annoncé que dans le cadre de la révision à la baisse de son budget il avait coupé toutes les subventions d’activités pour lesquelles il n’était pas «leader» vis à vis des autres collectivités territoriales ayant pouvoir de financement.  Parmi les parentes pauvres délaissées : la culture. Dans un premier temps nous avons été rassurés par le fait qu’un politique fasse preuve d’un peu de lucidité en ne se déclarant pas leader en matière de culture. Nous avons ensuite écouté la fin du discours qui, elle, ne nous a pas rassurés du tout. Après avoir remisé le sempiternel rabot budgétaire au profit de l’élagueuse de petites branches que nous avons évoquée plus haut, toutes les solutions évoquées étaient celles du plus d’Etat tous azimuts. Nos élus en seraient même au point de reprendre, par le biais de collectivités locales, des commerces en jachère pour re-dynamiser des centres-villes que les politiques urbaines des mêmes ont totalement dévitalisés. Une gestion que le monde de l’art ne connait que trop bien. L’Etat produit un diplômé des Beaux-Arts ; qu’une galerie subventionnée expose ; à qui un FRAC achète une œuvre ; laquelle sera exposée dans les couloirs d’un commissariat ou d’une caserne. Après ce petit tour de piste en circuit fermé et uniquement financé par de l’argent public le diplômé devra entreprendre un cursus de reconversion pour accrocher une activité non factice et nourrir sa famille. Eventuellement il cherchera à compléter ses fins de mois en effectuant quelques gâches de conférencier dans un collège ou un lycée. Mais voilà cette ligne de vie pourrait bientôt être coupée. Le management national, prenant le relais du régional, tend à raboter très significativement la part collective du pass culture. Une mesure qui «laisse sur le carreau des milliers de professionnels des milieux culturels et artistiques, des équipes éducatives et des élèves.» s’insurge un syndicat. Le vrai problème est là. Sous divers alibis on a fabriqué un modèle économique hors-sol. Comme un soleil il s’est nourri de sa propre matière, a grossi, s’est échauffé et menace aujourd’hui d’imploser. Faute de carburant, c’est à dire de budget, il s’effondrera sur lui-même avant de se transformer en trou noir. Or des picaillons y’en a plus !


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