Pour qui, pourquoi l'art ?
Les faits divers sont pour Galerie Anna-Tschopp une source inextinguible d’informations sociétales. Et plus encore que les articles nous « aficionadons » les courriers de lecteurs. Derrière leur anonymat se lisent les partis pris, les frustrations, les voix officielles déguisées. Bref un monde d’influenceurs et d’influencés assez représentatif des idéologies du moment. Ainsi fin avril 2025, au musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam un enfant a légèrement griffé un tableau du peintre américain Mark Rothko. Le monde s’en est fortement ému car le tableau était évalué à cinquante millions de dollars, montant qui autorise bien des fantasmes. L’événement est à coup sûr navrant mais les courriers de lecteurs le concernant étaient eux édifiants. On y trouvait des inconsolables de la perte d’un chef-d’œuvre de l’art moderne. Combien l’avaient réellement vu et combien se faisaient simple écho d’un consensus critique était évidemment difficile à départager. D’autres, assurément convaincus que l’Etat ne pouvait être qu'eux, semblaient venir de perdre cinquante millions par la faute de parents incapables de surveiller leur progéniture. On y lisait également des partisans d’une justice forte et réparatrice. Ceux-là préconisaient que le fautif règle la totalité de la remise en état. Il leur était évident que toute sanction possède une exemplarité dissuasive même si, dans le cas présent, la récidive s’annonçait peu vraisemblable. Il est heureux que l’incident se soit déroulé aux Pays-Bas car il s'y montrait clairement que, dans une occurrence hexagonale, la crainte majeure de la plupart de ces différents commentateurs étaient de devoir contribuer indirectement aux frais de réparation d’une inadvertance pour laquelle ils n’auraient eu aucune responsabilité. En France le sujet des impôts et de leurs affectations est toujours sensible tant pour ceux qui estiment en payer trop que pour ceux qui pensent ne pas recevoir assez. Gageons toutefois que les musées sont généralement assurés pour ce type de dégâts et qu’il est peu probable qu’en pareil cas il soit fait appel à une générosité imposée. Face à ces préoccupations pécuniaires d’autres commentaires s’affichaient bien plus désobligeants envers l’art contemporain. Pour ceux-ci, par essence une stupidité ne pouvait être dégradée et de ce fait ne justifiait ni pleurs, ni regrets. Pour péremptoires qu’ils soient tous ces avis posaient néanmoins la question de la relativité des valorisations financières et symboliques attribuées à l’art. Nous avons souvent constaté le peu de considération dont témoignent les artistes pour leurs travaux achevés. Ainsi dans un atelier nous avons pu voir placées en rang d’oignons une vingtaine de très grands formats dont le dernier, celui qui supportait le poids de tous les autres, reposait sur une pointe. Sans avoir percé la toile celle-ci avait tout de même occasionné un enfoncement notable ; aléa que l’artiste assura pouvoir rattraper avec un peu d’eau grâce à la rétractation de séchage. Il déplaça quand même légèrement le tableau pour que le clou n’appuie plus sur la toile mais sur son châssis. Eradiquer le problème en ôtant la pointe n’était visiblement pas à l’ordre du jour. Un autre exemple nous fut donné à l’occasion de l’exposition rétrospective d’un artiste à Beaubourg. Celui-ci nous dit avoir été particulièrement amusé, et surpris, de voir un aréopage de conservateurs et restaurateurs manier ses œuvres avec des gants, au sens propre comme au figuré, alors qu’il se remémorait très bien les avoir transportées, une quarantaine d’années plus tôt, sans protection et simplement ficelées sur la galerie de sa voiture. Visiblement artistes et public n’ont donc pas les mêmes attentes ni les mêmes attitudes vis à vis de l’art. Pour les premiers la conceptualisation prime sur l’exécution et une œuvre n’est accomplie que lorsque l’idée est traduite par une forme qui les agrée. Sa réalisation plastique n’est perçue que comme la partie technique du métier ; utile mais non essentielle. Leur intérêt est de plus généralement lié à leur actualité et c’est probablement la raison pour laquelle nombre d'entre eux se détachent de leur œuvre passé et se sentent parfois peu concernés par sa conservation. Au contraire pour le public l’accord avec l’état d’origine représente le principal actif de la valorisation d’une œuvre. Toute dégradation, toute altération, induit pour lui une décote. Corrélativement une restauration est ressentie comme une perte d’authenticité qui réduit également la valeur. Si les avis déposés dans les courriers de lecteurs pouvaient paraître simplistes ou inadéquats ils mettaient tout de même en évidence les sentiments que le public est en droit d’exprimer en regard des collections publiques. Que conserver ? Pourquoi et pour qui le conserver ? A qui en confier la maintenance et pour quel coût ? Sachant que quelles que soient les réponses elles ne pourront jamais apporter que leur lot de mécontents.
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