Pourquoi un musée ?
Dans notre dernière parution nous évoquions nos découvertes singulières de l’été. Mais nous n’avons pas fait que et une autre visite nous a amené à repenser le rôle de certains acteurs du marché. Nous nous sommes en effet rendus au musée Cantini de Marseille à l’occasion de l’exposition Alberto Giacometti qui y était présentée. Tous nous avaient assurés qu’elle était remarquable et c’est probablement pourquoi, trop confiants, nous avons été déçus. Et plus encore par l’exposition dite permanente qui occupait les deux étages supérieurs. Pour en revenir au rez-de-chaussée il faut savoir que le musée Cantini se loge dans un ancien hôtel particulier de dimensions relativement modestes. En attribuer un seul tiers à une exposition ressort soit d’une production très limitée de l’artiste soit d’une faiblesse dans la capacité à réunir des pièces. En regard de la notoriété internationale de l’artiste et de la dissémination de son travail nous aurions tendance à penser que la seconde raison est à l’origine de la modestie de l’exposition marseillaise. Quoi qu’il en soit, une peinture, des marbres de jeunesse, quelques bronzes et de nombreux plâtres peuvent composer une exposition digne de ce nom mais en aucun cas créer l’événement annoncé. Un public en attente d’être confronté à une imposante dimension créatrice est alors en droit de trouver que la substance proposée ne correspond pas à l’ambition annoncée du projet ; et s’en sentir dupé. Nous avons ressenti encore plus fortement ce sentiment de décrochage lors de notre visite des étages. Une collection de signatures sur des travaux qui pour nous et à quelques exceptions près méritaient tout au plus la mention passable. Il n’est absolument pas certain que cette tentation autographiste séduise les visiteurs. Nous la considérons même plutôt contre-productive car de notre point de vue des œuvres secondaires incitent peu un néophyte à aller plus loin dans la découverte d’un artiste. Sur ses trois niveaux le musée Cantini manque donc pour nous à sa mission d’éveil. Ce constat nous pousse à assurer que, nonobstant la «griffe» des œuvres et la caution rassurante de l’Institution, dans beaucoup de galeries on peut trouver aussi bien et pour moins cher. Au final cette visite nous a menés à nous interroger sur les fonctions "souveraines" d'un musée. Celui-ci doit-il être perçu comme une annexe cultu(r)elle de l’Education Nationale ou doit-il être regardé comme une composante inévitable de l’attrait touristique d’une ville ? Avec peut-être l’espoir d’une mixité réussie ? Nous avons connu jadis une époque où un musée était un lieu quasi réservé à des spécialistes en quête de témoignages matériels corroborant leurs théories ou leurs recherches. Ses salles étaient désertes et sa consubstantialité populaire était la naphtaline. Des velléités politiques de démocratisation du savoir ont modifié cet état et une course au succès a lentement transformé la démocratisation en vulgarisation. Une obligation de résultats de type audimatique a conduit naturellement à une obligation de moyens tant sur le contenu que sur les contenants et sur la communication. Au point que l’on peut se demander aujourd’hui quel est l’avenir d’un musée de province face à des géants tels que le Louvre, les fondations Pinault et Louis Vuitton, Beaubourg ; sans compter les entités étrangères comme les MoMa, Guggenheim et autres Tate Gallery. Pour nous la solution tient probablement dans la devise de Leopold Kohr «small is beautiful», laquelle préconise une structuration des sociétés et de l’économie fondée sur la taille et la décentralisation. Face aux monstres cités ci-dessus la plupart des architectures de province n’ont pas les reins suffisants pour tenter l’universalité et ses coûts inhérents ; à commencer par le transport et les assurances. En regard de leur carrure réduite leur survie se trouve probablement dans des niches de marché. Dans ce contexte la spécialisation la plus évidente est d’ordre géographique. Il y a vingt ans Galerie Anna-Tschopp mentionnait déjà indirectement cette composante en circonscrivant son aire d’activité à «Mare Nostrum», délimitation régionale qu'a aussi reprise à son compte le « Mucem ». Un autre démarquage possible est celui qui consiste à se constituer en référent incontestable et incontournable d ‘un mouvement, d’une période, d’un artiste. Un musée pourtant d’envergure internationale, le « Prado » de Madrid, jouerait déjà cette carte avec Diego Velasquez en interdisant le déplacement des œuvres hors de ses murs. Dans nos deux suggestions le musée reprendrait une vraie personnalité et se débarrasserait de son ressenti de passage éducationnel contraint pour scolaires ou de volet culturel pour touriste en mal d’attractions. Mais, mais, mais, le légitime désir de carrière des conservateurs et le besoin de mise en lumière électorale des édiles se satisferaient-ils de cette réduction de périmètre et d’ambition ?
Pour quelques heures encore :
Vous pouvez retrouver les parutions antérieures de «Les Brèves d'Anna» ICI
GALERIE ANNA-TSCHOPP
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