Guyomard - Biographie / Biography



Né à Paris en 1936 Gérard Guyomard voulait être coureur cycliste professionnel. Ses parents n’ayant pas les moyens de lui offrir un vélo il se mit à les dessiner. Ces derniers sont aujourd’hui encore très présents dans son travail. Ce raccourci définit en grande partie le choix de ses sujets en tant que réponses à des contraintes ou des préoccupations personnelles. Gérard Guyomard souvent lié par la critique au mouvement de la «Figuration Narrative», devrait plutôt être associé à une sorte de «Figuration Intime». Rien n’apparaît sur ses toiles ou dans ses sculptures qui ne lui soit cher ou proche. Il se met en scène, «il se narre» comme il aime à le dire et se déplace avec une facilité déconcertante d’une position de témoin de sa vie à celle de témoin de son temps. Si son œuvre ne se prive pas de questionner certains comportements sociétaux et politiques, l’angle d’approche demeure toutefois celui d’un «titi» goguenard et irrévérencieux, d’un agnostique social. Quoiqu’il ait croisé et côtoyé de nombreux intellectuels dans sa jeunesse en tant que compagnon de route de «l’oulipo» il a toujours refusé d’être assimilé à ces derniers. Non par réaction envers une «caste» mais parce qu’il ne s’estime pas être un intellectuel. Il reconnaît cependant volontiers être leur débiteur dans l’organisation d’une partie importante de son travail. Organisation qui consiste à mettre volontairement en place des contraintes dans le seul but de pouvoir les domestiquer - La liberté ne se donne pas mais se gagne - ; des coercitions graphiques qui peuvent aussi bien prendre la forme d’une construction géométrique imposée que l’utilisation obligée d’une certaine couleur ou bien encore l’introduction dans la narration d’un nombre d’objets fixe. Le processus d’émancipation prend alors la forme d’une série d’œuvres qui ne s’achève qu’une fois la contrainte totalement maîtrisée par l’artiste. Toutefois l’intérêt que l’on peut porter au travail de Gérard Guyomard ne se limite pas à l’appréciation de sa capacité à résoudre une difficulté qu’il s’est lui-même imposée. Il est éminemment personnel dans son procédé narratif et reconnaissable d’emblée par son graphisme. Pour ce qui est du procédé narratif l’artiste développe son récit en plans successifs qu’il étage en jeu de calques, la «transparence» de ces derniers permettant aux premiers plans de ne pas masquer les suivants. Cet artifice lui permet aussi de donner une dimension au temps par décomposition «stroboscopique» des trajectoires. L’image ainsi construite Gérard Guyomard s’emploie ensuite à brouiller les pistes, à embobiner le regardeur. Il simplifie images et figures des différents plans, les enlace, en interrompt certains contours, y mêle collages et transferts d’encre jusqu’à les rendre quasiment illisibles tant leur enchevêtrement est complexe. Par transcription phonétique et redécoupage arbitraire des syllabes d’une phrase il administre un traitement similaire aux textes qui parsèment et souvent titrent ses œuvres et séries. L’ensemble fait système et rend chacune de ses œuvres immédiatement identifiable quant à son auteur, son talent consistant par ailleurs à suffisamment se renouveler pour ne pas verser dans la systématisation. Cet écueil est le plus souvent évité par la minutie de la recherche documentaire portant sur un sujet ou un thème dans le but de faire coller la représentation au plus près de la réalité. Avec pour corollaire que les œuvres les plus réussies dépassent alors la simple description figurative pour atteindre une sorte de dimension allégorique. A ceci s’ajoute un emploi raffiné de la couleur qui génère un véritable intérêt plastique et qui hisse chaque œuvre de simple image graphiquement très construite au rang de véritable peinture. Enfin aucune analyse de l’œuvre de Gérard Guyomard ne peut faire l’impasse sur la sexualité qui y transpire tout au long. Une des définitions de l’érotisme voudrait que soit érotique ce qui est suggéré mais pas directement montré. La technique picturale de Gérard Guyomard lui permet de satisfaire à cette définition quoique dans ses œuvres l’acte sexuel est souvent des plus explicites. Mais explicite uniquement pour qui sait le lire, car l’imbrication des lignes, la surcharge de figures agissent comme un voile et masquent la crudité de certains propos. Même le regardeur pressé, celui qui ne prend pas le temps de déchiffrer tous les signes, pressent une sorte d’image subliminale d’où suinte cet érotisme. Un érotisme qui s’exerce sur trois niveaux d’expression. Les excitations et actes sexuels des personnages de la toile, les fantasmes de l’auteur qui s’expriment au travers des images décrites, le désir que peut ressentir le regardeur pour peu qu’il partage ces mêmes fantasmes.

Gérard Guyomard : un égocentrisme pictural qui rapporte tous les thèmes, tous les sujets à lui-même, une technique de dessin et une science des couleurs jubilatoires, un style immédiatement identifiable mais toujours soumis au propos. Autant de caractéristiques qui méritent que l’on s’arrête sur un travail dont la jeunesse éclate depuis plus de 40 ans.

* «OuLiPo» : Ouvroir de Littérature Potentielle. Groupe fondé en 1960 par François Le Lionnais et Raymond Queneau. Ce groupe qui comprend des peintres, des écrivains, des mathématiciens a pour but de construire des procédés ou des exercices favorisant les contraintes formelles lesquelles sont supposées fournir un puissant stimulant de l’imagination.

Born in Paris in 1936 Gérard Guyomard wanted to be a professional cyclist. As his parents did not have the means to offer him a bike, he started drawing them. They are still very present nowadays in his work. This shortcut largely defines the choice of his subjects as a response to constraints or personal concerns. Gérard Guyomard, often linked by the critics to the «Narrative Figuration» movement, should rather be associated with a kind of «Intimate Figuration». Everything that appears in his paintings or sculptures is dear or close to him. He composes himself in his work, «he narrates himself,» as he likes to say, and moves with an surprising ease from a position of witness to his life to that of a witness to his time. If his work does not hesitate to question certain societal and political behaviours, the approach, however, remains that of a mocking and irreverent «urchin», a social agnostic. Although he met and mingled with many intellectuals in his youth as a companion of «the OuLiPo»1he always refused to be assimilated to them. Not as a reaction to a «caste» but because he does not consider himself as an intellectual. However, he readily admits he owes them a lot in the organisation of an important part of his work. This organisation consists in voluntarily placing constraints for the sole purpose of being able to domesticate them - Freedom is not given but must be earned -; graphic coercions that may take the form of an imposed geometric construction as well as the imposed use of a certain colour or even the introduction into the narration of a fixed number of objects. The emancipation process thus takes the form of a series of works that only ends once the constraint is completely mastered by the artist. Nevertheless, the interest for Gerard Guyomard’s work is not limited to the assessment of his ability to solve a self-imposed problem. He is intensely personal in his narrative technique and immediately recognizable by his style. In terms of narrative process the artist develops his story in successive plans that he composes as a set of layers, the «transparency» of the latter allowing foregrounds not to hide the following plans. This artefact also allows him to give a dimension to time thanks to a «strobe» decomposition of trajectories. Once the image is thus constructed, Gérard Guyomard then works at covering tracks, to bamboozle the viewer. He simplifies images and figures of different plans, interlaces them, interrupts some contours, mixes collages and ink transfers to make them almost unreadable, as their entanglement is complex. By phonetic and arbitrary divisions of syllables in a sentence, he gives a similar treatment to the texts that season and often title his works and series. The whole becomes a system and makes each of his works instantly recognisable as for its author, his talent also consisting in enough renewing himself for not falling in the systematisation. This obstacle is usually avoided by the thoroughness of the literature search on a topic or theme in order to make the representation stick as closely as possible to reality. With the consequence that the most successful works then go beyond mere figurative description to achieve a kind of allegorical dimension. Added to this is a refined use of colour that creates a real plastic interest and raises each piece from a simple and graphically very constructed image to a real painting. Finally no analysis of Gerard Guyomard’s work can do without the sexuality running through all of it. One of the definitions of eroticism would say that is erotic what is suggested but not directly shown. Gérard Guyomard’s pictorial technique allows him to satisfy this definition though in his works the sexual act is often very explicit. But explicit only for those who can read it, because the overlapping of lines, the overloading of figures act as a veil and conceal a certain rawness. Even the busy viewer, who does not take the time to decipher all the signs, senses a kind of subliminal image full of this eroticism. This eroticism has three levels of expression: The excitement and sexual acts of the characters in the painting, the fantasies of the author that express themselves through the described images, the desire that the viewer can feel as long as he shares these same fantasies.

Gérard Guyomard: a pictorial egocentrism, which brings all topics, all subjects back to himself, a jubilant drawing technique and science of colours, a style that is immediately identifiable but always submitted to a subject. As many characteristics that deserve us stopping on a work whose youth has been breaking for over 40 years.

* «OuLiPo» : Ouvroir de Littérature Potentielle. Group founded in 1960 by François Le Lionnais and Raymond Queneau . This group which includes painters, writers and mathematicians has for aim to promote methods or exercises built with formal constraints which are expected to provide a powerful stimulus to the imagination.