Mise en examen sur suspicion d’origine (partie 2)



Il faut savoir que Gérard Fromanger travaillait par séries autour d’un concept à partir duquel il brodait des variations graphiques l’illustrant  jusqu’à ce que les idées, les variantes que lui offrait le propos sous-jacent soient épuisées. En vertu de quoi il annonçait qu’une fois une série engagée il lui était difficile, voire impossible, de sortir de la thématique qui lui était associée et a contrario irréalisable d’y revenir plus tard. Servitude qui devait parfois souffrir des exceptions puisque par deux fois nous l’avons vu déroger à cet absolu. Il est vrai que dans les deux cas il s’agissait d’une commande. La première à destination d’un marchand japonais et la seconde pour un grossiste en matériel d’arts graphiques arcueillais. Il faut aussi savoir que les dos de tableaux par les indications qu’ils contiennent sont souvent source de révélations pour qui veut bien les lire. La désignation de la série par «La vie quotidienne, instantané» par exemple fait ainsi référence à une autre, conçue en 1984 et nommée «La vie quotidienne», laquelle, à notre connaissance, a pour particularité d’être constituée de trente tableaux, tous de même format, rassemblés en un tout titré «Trente instantanés». «Suite Chamonix, numéro 1» emprunte donc à cette série

son intitulé, augmenté du terme «instantané» qui lui se réfère au titre collectif de ses œuvres. Par ailleurs chacun des tableaux de «La vie quotidienne» a pour spécificité de posséder sur son pourtour une sorte de liséré non peint. Or ce dernier est absent des bords latéraux de «Suite Chamonix, numéro 1». Une explication en est fournie par la


mesure de la largeur du tableau qui est de 292 cm alors que la mention dorsale indique 300 cm. La configuration actuelle serait donc raccourcie par rapport à l’originale et confirmation en est donnée par des marques d’ancien cloutage et des débords de toile à l'arrière du châssis plus larges à gauche et à droite que sur le haut et le bas. On peut s’interroger pour savoir à quel propos cette modification a été réalisée et si elle émane de l’artiste lui-même ou bien de l’un des propriétaires ultérieurs. Ce genre de rognage résultant le plus souvent  de la mise en accord d’une oeuvre avec


son lieu d’accrochage, on peut en exclure la responsabilité de Gérard Fromanger.  On ne voit pas non plus pourquoi celui- ci aurait indiqué dans sa dédicace des dimensions inexactes. Le dos fait égalementétat d’une contradiction entre la date indiquée, 2001, et celle de la série «La vie quotidienne», 1984. Désaccord souligné par l’importante disparité de tons que l’on constate entre l’encre de la signature et celle de la dédicace. Comme si 17 ans de vie supplémentaire avaient fané la première. Une fatigue qui revient à poser la question de la destination initiale de l’œuvre.  «Suite Chamonix, numéro 1» ne serait-elle que la simple réaffectation d’une œuvre en réponse à une commande ? L’auteur ayant  disparu aucune conjecture ne peut plus aujourd’hui être vérifiée. Il est cependant possible de supposer que pour adhérer à l’objet de l’association «A chacun son Everest» Gérard Fromanger avait choisi dans ses thématiques celle qui pour lui saisissait au mieux le parcours vers un sommet de personnages tous unis dans une même dynamique.  Dans le cadre habituel du nettoyage des œuvres avant leur remise sur le marché Galerie Anna-Tschopp, a opté pour un retour à ses dimensions originelles. Ainsi la réapparition des lisérés sur la gauche et sur la droite la réinscrira pleinement dans la série «La vie quotidienne» et en fera le contrepoint à la fois du tout et de chacune des trente pièces de «Trente instantanés».


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