Bernard Morteyrol - Biographie / Biography



Qui est Bernard Morteyrol ? Son parcours débute en 1942 à Paris. Il entre en peinture dans les années soixante et devient au début des années soixante-dix un membre actif du salon de la jeune peinture dont il assurera la présidence en 1973 et 1974. A la même époque et pour garantir son quotidien il travaille en tant que directeur de studio chez Disney où il «manage» pour l’Europe le journal de Mickey. Quand on demandait à Bernard Morteyrol à quel courant pictural son travail se rapportait il répondait qu’il se considérait comme «un peintre de mai 68». La définition est cependant un peu courte et ne satisfait pas à couvrir l’ensemble de sa carrière. En effet le très fort militantisme des premières années, quoique pouvant être considéré comme le fil rouge de son œuvre, s’est progressivement émoussé au cours du temps. Pour tenter d’appréhender plus amplement son travail il faut prendre en considération que comme pour beaucoup d’artistes de sa génération il est le sujet principal de son œuvre. Il y raconte sa vie, met en scène ce et ceux qu’il aime, fait part de ses incompréhensions et de ses critiques quant aux modèles sociaux et économiques en place. Tout au long de sa vie on retrouvera les mêmes contextes : l’avènement du tout automobile, une société de consommation en plein essor, les contraintes que l’homme exerce sur la nature, le soutien des pays occidentaux et de leur mentor, les Etats-Unis, à des régimes totalitaires ou autocratiques pour protéger leurs intérêts «vitaux» économiques et militaires. Le tout sur fond de censure d’Etat, radiophonique et télévisuelle ; ou du moins annoncé comme tel. En ce sens Bernard Morteyrol est l’un des artistes de la «Figuration Narrative» les plus directement et violemment critiques des pouvoirs en place. Il considérait d’ailleurs à ses débuts la peinture en tant qu’acte politique et adhérait avec force à la pratique autogestionnaire, à la réalisation collective des œuvres et à la mise en délibéré de leur opportunité au sein d’un comité de validation. Les questions essentielles étaient alors : Que peindre ? Comment le peindre ? Pour qui le peindre ? Cependant la continuité du propos est parfois difficile à saisir. La raison en est que l’œuvre s’articule sous forme rhizomique, c’est-à-dire qu’elle évolue de manière non linéaire, discontinue dans le choix des sujets et du graphisme, avec des résurgences parfois à plusieurs années d’intervalle. Dans ce réseau qui n’a d’ordre que chronologique il est impossible de déceler un enchainement logique. L’artiste passe d’une série à une autre sans aucune évidente corrélation, voire sans corrélation du tout. Les seules correspondances apparentes n’existent qu’à l’intérieur d’un même ensemble où chaque œuvre se déduit ou en induit une autre. Deux liens peuvent pourtant être mis en évidence qui font pont entre les différentes œuvres. Le premier est l’omniprésent rapport que Bernard Morteyrol entretient avec l’image, que celle-ci provienne de la peinture, du cinéma, de la publicité ou de la bande dessinée. Tous les médias sont sollicités pour ce qu’il est possible de leur emprunter sans aucune valorisation des uns par rapports aux autres. Il se considérait d’ailleurs lui-même plus comme un «imagier» que comme un peintre. La seconde cohérence, familière de la première, est la constante référence aux artistes et aux œuvres qu’il admire. La «Pietà d’Avignon», le «Retable d’Issenheim», Daumier, De Chirico, Goya, Picasso, Piranesi, Titien sont ainsi récurrents dans ses peintures et dessins. Au fil du temps et surtout après l’année 2000 s’y sont joints Jack Kirby et les dessinateurs de mangas. Il en découle que de par la nature de son travail Bernard Morteyrol doit être considéré comme «difficile». «Difficile» car l’appréhension globale se son projet artistique n’est pas évident à saisir mais «difficile» aussi car l’acceptation de ses référents nécessite des connaissances élargies de la part du regardeur. Contrairement à beaucoup d’artistes du «Pop Art» ses renvois ne s’appliquent pas seulement aux images et objets iconiques des produits grand public mais aussi à l’histoire de la peinture. Il appartient à ce que l’on peut considérer comme la frange lettrée de la «Figuration Narrative», celle qui ajoute au «Pop Art» non seulement une dimension politique mais qui le fait en replaçant ses œuvres dans un contexte culturel. Cette singularité est peut-être la cause du relatif retard pris par Bernard Morteyrol dans le regain de faveur du public envers les artistes de sa génération. Une situation probablement amplifiée par le choix de vie qu’il a fait dans les années quatre-vingts de venir s’établir en Provence, se coupant ainsi du microcosme artistique parisien et des projecteurs qui y sont rattachés. Mais les choses pourraient se rééquilibrer rapidement et il n’est pas utopique de penser que Bernard Morteyrol recouvre prochainement une place plus en adéquation avec son talent. 

Who is Bernard Morteyrol? His career began in 1942 in Paris. He started painting in the 1960s and in the early 1970s became an active member of the Salon de la Jeune Peinture, of which he was president in 1973 and 1974. At the same time, and to ensure his daily life, he worked as a studio director at Disney, where he ‘managed’ Mickey's newspaper for Europe. When Bernard Morteyrol was asked what pictorial movement his work belonged to, he replied that he saw himself as ‘a painter of May 68’. This definition is a little short, however, and does not cover the whole of his career. Indeed, the very strong militancy of his early years, although it can be seen as the common thread running through his work, has gradually faded over time. To gain a fuller understanding of his work, we need to consider that, like many artists of his generation, he is the main subject of his work. He tells the story of his life, portrays things and people he loves, and expresses his misunderstandings and criticisms of the social and economic models in place. Throughout his life, we find the same contexts: the advent of the all automobile, a booming consumer society, the constraints that man exerts on nature, the support of Western countries and their mentor, the United States, for totalitarian or autocratic regimes to protect their ‘vital’ economic and military interests. All of this against a backdrop of state censorship of radio and television - or at least that's the way it is announced by him. In this sense, Bernard Morteyrol is one of the ‘Figuration Narrative’ artists who is most directly and violently critical of the powers that be. In his early days, he saw painting as a political act and strongly adhered to the practice of self-management, the works' collective production and the deliberation of their appropriateness within a validation committee. The essential questions at the time were: What to paint? How should it be painted? For whom? However, the continuity of the project is sometimes difficult to grasp. The reason is that the work is structured in rhizomic form, meaning that it evolves in a non-linear way, discontinuous in the choice of subjects and graphics, with resurgences sometimes several years apart. In this network, which is only chronologically ordered, it is impossible to detect a logical sequence. The artist moves from one series to another without any obvious correlation, if any at all. The only apparent correspondences exist within a set, where each work is deduced from or induces another. Yet two links can be identified that bridge the gap between the different works. The first is Bernard Morteyrol's omnipresent relationship with images, whether they come from painting, cinema, advertising or comics. All the media are called upon for what can be possibly borrowed from each one, without in any way valuing one over the other. In fact, he considered himself to be more of an ‘imagier’ than a painter. The second coherence, familiar from the first, is the constant reference to the artists and works he admired. The ‘Pietà d'Avignon’, the ‘Issenheim Altarpiece’, Daumier, De Chirico, Goya, Picasso, Piranesi and Titian are all recurrent in his paintings and drawings. Over time, and especially since 2000, Jack Kirby and manga artists have joined them. It follows that, by the very nature of his work, Bernard Morteyrol must be considered ‘difficult’. ‘Difficult' because his artistic project is not easy to grasp as a whole, but “difficult” also because accepting his references requires a broad knowledge on the part of the viewer. Unlike many ‘Pop Art’ artists, he refers not only to iconic images and objects in mass-market products, but also to the history of painting. He belongs to what might be considered the literate fringe of ‘Figuration Narrative’, that which not only adds a political dimension to ‘Pop Art’ but does so by placing his works in a cultural context. This singularity is perhaps the reason why Bernard Morteyrol has fallen relatively behind in the revival of public interest in artists of his generation. This situation is probably exacerbated by the lifestyle choice he made in the 1980s to move to Provence, cutting himself off from the Parisian artistic microcosm and the spotlight that it attracts. But things could soon be back on an even keel, and it's not unrealistic to think that Bernard Morteyrol will soon regain a position more in keeping with his talent.